2016

Peau de laine

3e Prix du Jury « Sites en Ligne »

9e Symposium de sculpture et d’installation en milieu naturel
Bois de Ligne de Silly, Belgique, 2016

Charme, eau de source, laine de mouton mérinos, savon.

Malgré la dureté de son tronc reconnu pour ses vertus solide et durable, le charme est fissuré en deux, créant une ouverture transcendant sa verticalité. En dépit de cette blessure, il vit, la sève coule sur quelques centimètres de ramure.  Sa plaie laisse apparaître les fibres de son bois. L’arbre pulse, mais jour après jour, sa vitalité se fait plus faible. Les feuilles vertes se flétrissent doucement.

Laine brute de mouton et eau de source à la main, je remonte le tronc en massant les fibres animales sur son écorce fine et granuleuse. Grâce au frottement des éléments, un tissu se crée et enlace la plaie. La matière se fait hybride, réparatrice et réconfortante. La douceur du feutre invite le spectateur à toucher l’arbre brisé. Alors, les mains le caressent, les regards apparaissent, une reconnaissance naît.


Central dans mes œuvres, l’arbre représente le témoin de notre Histoire avec la Terre, tel un géant vert qui détiendrait l’abécédaire de notre Monde. La perception que nous avons des arbres s’est construite dans le Temps. La tradition des forêts sacrées était répandue dans de nombreuses cultures. L’arbre nous survit et rythme la vie de l’Homme. Nous avons su observer les différents modes de perception des arbres, leur capacité à échanger des ressources, à résister aux attaques et s’adapter aux températures afin de faire éclore leurs bourgeons au moment adéquat. Les premiers dessins d’arbres gravés sur la pierre remontent à 14 000 ans. Depuis, la Nature nous fascine et nous inspire. Ces oeuvres originelles symbolisaient le rapport divin que nous entretenions avec la Nature et qui, au fil des siècles, s’est évaporé pour faire place au matérialisme de l’ère industrielle.

Le choix de mon intervention dans la forêt dépend des éléments qui se présentent en chemin afin de créer une rencontre : un détail morphologique, une matière, la position, l’histoire de l’être choisi, critères qui donneront du sens à la mise en oeuvre. Parfois la Nature se suffit à elle-même pour créer un dialogue. Je souligne alors les éléments, afin de permettre un regard nouveau et de rendre le dialogue possible aux yeux du spectateur. Une confusion manifeste entre notre corps et l’univers végétal qui nous entoure est palpable.